La Fanée


La Fanée
Illustrations de Catherine Louis (www.catherinelouis.ch)

Editions G d’Encre, 2008
ISBN 2-978-2-940257-48-5

«Un jour, elle perd l’équilibre. Elle tente de s’agripper aux murs de pierres sèches, mais ses ongles s’échaudent au grain du calcaire. Ses traits se figent dans les gravats d’une existence qu’elle ne comprend plus.»

Prix

Présentation de l’éditeur

Comment faire sentir avec des mots de tous les jours la détresse d’une adolescente qui, justement, ne trouve pas les mots qui pourraient peut-être la sauver? Comment décrire l’impossibilité de parler, de se parler, d’un père et d’une fille? Un semblant de quotidien bien ritualisé et rythmé laisse croire, à tort, qu’ils peuvent vivre dans l’ignorance de la tristesse, du passé et du regard des autres.

Extraits

Impassible au bord des champs, elle remplit ses poumons des vapeurs de gasoil que les tracteurs dispersent dans un ciel fatalement bleu. Elle se gonfle de mort jusqu’à la nausée. Elle veut se jeter

sous les dents des faucheuses mécaniques. S’entourer d’un suaire tressé de ces graminées qui foisonnent ici, se faire chiendent pour survivre aux ruminants qui l’encerclent. Elle cueille des trèfles dont elle suce longuement la tige. L’amertume la tient éveillée dans ce cauchemar que le poison juteux rehausse. Dans ses tempes bat la confusion.

[...]

Le bus scolaire suit le même itinéraire que le camion des ordures ménagères. Dans le minicar, les plus grands s’ignorent en silence. Certains se fréquentent depuis plus d’une décennie, assez pour se maudire puissamment. Chacun croit tout savoir de l’autre, mais ils ne forment qu’une famille reconstituée à laquelle manque l’essentiel des jours et des passions. Elle pose son sac sur ses genoux et agrafe son regard au décor de conifères. Les secousses du véhicule la maintiennent hors du sommeil. Les conversations d’intendance et les jeux des écoliers primaires ne l’atteignent pas. Enfin, la noble bétaillère se déleste par étape de son chargement en commençant par le collège, concrétion de béton placée en bordure du chef-lieu. Partout des groupes se forment, mais elle traverse seule la cour, emprunte seule les couloirs, rejoint une table où une seule chaise l’attend.

[...]

Il l’emmène au cinéma du chef-lieu. La jeunesse locale se retrouve dans la pénombre touffue pour consommer des oeuvres dont ils savent déjà tout. Les films arrivent en effet de longs mois après leur sortie dans la capitale, parfois même après leur diffusion sur le câble. Ici, pas de pop-corn, de glaces ou d’entractes festifs. Le projectionniste est pressé de rentrer chez lui. Les sièges grincent et les dos souffrent. Il voudrait l’embrasser, mais elle se détourne. Il cherche sa main, frôle ses cuisses, s’y arrête maladroitement. Il s’est arrosé de déodorant, mais son haleine empeste le chewing-gum trop longtemps mâché. Ses doigts faussement égarés deviennent insistants. Elle se laisse faire, parce que c’est le plus simple. Tout à l’heure, il la ramènera au village, lui évitant d’attendre le bus. Elle voudrait que le film ne se termine jamais.

[...]

Catherine Louis, illustratrice

www.catherinelouis.ch

Catherine Louis a illustré une centaine de livres dont certains sont traduits en allemand, italien, hollandais, anglais, tchèque, coréen et chinois. Son travail autour de la calligraphie chinoise lui a valu d’être sélectionnée pour la Biennale internationale de Bratislava en 2005 et de figurer sur la Liste d’honneur d’IBBY en 2006.

Eléments critiques

Brigitte Steudler, Culturactif, 26 février 2009
« [...] Superbement illustrée par Catherine Louis et magnifiquement mise en page par l’éditeur, “La Fanée” se lit d’un trait, presque en apnée, tant le propos est vif et douloureux. A découvrir absolument, tant l’écriture de cet écrivain neuchâtelois, par ailleurs psychologue de formation et épistémologue, subjugue, et, tant la teneur sombre de ses propos interpelle. »
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Jean-Louis Kuffer, 24 Heures
« [...] On pense à l’émouvant et tragique personnage d’Aline, de Ramuz, en lisant ce premier roman percutant, également intéressant par les illustrations de Catherine Louis. Le récit de la détresse existentielle de l’adolescente sans nom dont nous suivons la fin de parcours nous tient en haleine, grâce surtout à la superbe écriture de l’auteur. »

Martha Ryser-Spiess, Le Temps, 12 juillet 2008
« [...] les phrases courtes portent l’émotion brute, tandis que ce monde en éclats de carbone se referme jusqu’à l’inexorable. A la fin, la force du symbole choisi par La Fanée nous laisse K.-O. Avec un langage qui n’est pas sans évoquer Georges Simenon, Thomas Sandoz nous donne à vivre le désespoir mutilant et absolu de cette jeune fille. »
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Dominique Bosshard, L’Express/L’Impartial
« [...] Thomas Sandoz ose un récit âpre et violent, qui séduit par sa justesse et ses éclats poétiques. Un récit âpre. Sans dialogues. Des phrases plombées de noir, en dépit des couleurs qui s’immiscent dans le paysage. Des raccourcis inspirés où suinte la grisaille mortifère du quotidien [...] »
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Pascal Rebetez, La rage des ados
« [...] Plus rare, me semble-t-il, est d’aller à l’intérieur du malaise adolescent. C’est ce que réalise magistralement l’écrivain neuchâtelois Thomas Sandoz. J’ai lu d’une traite son livre La Fanée qui vient de paraître aux éditions G d’Encre et, caramba, me sens tout remué. Tant son portrait par l’acte de son adolescente des montagnes est criant de vérité autant que de douleur. [...] C’est terriblement efficace et rendu dans une langue riche et rythmée. [...]"
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Vincent Bélet, Coup de coeur Payot Libraire
« Thomas Sandoz, écrivain et docteur en psychologie, ouvre les portes de l’enfer. Elle, seize ans, vit avec son père, ouvrier d’usine dont la vie ressemble à un long crépuscule. Ils se connaissent à peine ; la mère est partie un matin d’hiver, on ne sait où, “on ne discute pas de ces choses-là”. Son village sent la mort, pas question d’y trouver quelque charme que ce soit. La Fanée habite aux confins du monde, côtoyant péniblement quelques vieux qui résistent, les fêtes villageoises imbibées et le désespoir glauque d’une vie minuscule dans nos montagnes. Ce récit, d’une noirceur indescriptible, repousse et fascine : comment l’auteur a-t-il réussi à entrer avec tant de justesse de ton dans la peau d’une adolescente en rage contre la vie, et à traduire fidèlement, avec un sacré talent, ses émotions confuses, obscures, enfouies ? »

Michèle Durand-Vallade, Devine qui vient dîner
Emission du 4 février 2009, « Détresses adolescentes », avec également Didier Chiffelle, comédien et chanteur.